Trafic de chimpanzés à Boké : Une audience minimisée par le Tribunal de Première Instance !

16/12/2015

Trafic de chimpanzés à Boké : Une audience minimisée par le Tribunal de Première Instance !

phototpibokéLe tribunal de première instance (TPI) de Boké a rendu en public mardi 15 décembre 2015, sa décision concernant l’affaire Moriba Gbélémou, arrêté quelques jours plutôt pour capture, détention et commercialisation d’un bébé chimpanzé, une espèce intégralement protégée. Minimisant l’importance de son infraction, Moriba Gbélémou est condamné à 3 mois de prison ferme.  

Poursuivi pour capture, détention et commercialisation d’un bébé chimpanzé, Moriba Gbélémou a été mis aux arrêts  dans la soirée du  27 novembre 2015 à Tinguilinta, située à 55 km de Boké  par une équipe de la police conduite par le substitut du procureur de la République près du TPI de Boké avec le soutien du GALF.

Plaidant coupable devant le président du tribunal M. Moriba explique sa condition humaine défavorable qui l’aurait conduit à commettre l’infraction. Car, poursuit-il, ‘’ je devrais vendre le bébé chimpanzé à 16.000.000 GNF pour subvenir aux besoins de ma famille, sachant que l’acte était illicite’’.  Ainsi, se torde-t-il les doigts, ‘’la pauvreté est  la raison de ma mésaventure’’.

Pour le Ministère de l’Environnement constitué partie civile,  passant en revue des préoccupations récentes des chefs d’Etat du globe lors de la COP21 qui statuait sur ‘’ la croissance verte et la problématique climatique’’  a demandé  à ce que le droit soit dit dans toute sa splendeur. Car, précise-t-il, le sieur Moriba était tout simplement attiré par l’appât du gain, les 16.000.000 GNF qu’il devrait recevoir en mettant en danger la vie du bébé chimpanzé, espèce intégralement protégée par la loi. Ainsi, a-t-il ajouté, fait aggravant, le sieur Moriba a dans le passé travaillé dans la protection des chimpanzés.  Il aurait en effet participé à plusieurs reprises à des campagnes de sensibilisation et d’information initiées par WCF, une organisation non gouvernementale en tant que ‘’guide’’, ce qui ne l’a pas empêché de s’impliquer dans le trafic de chimpanzés et d’en être même un acteur important dans la région de Boké. Le sieur Moriba se réclame ancien chasseur alors qu’il continue à pérenniser le braconnage dans cette région à travers un vaste réseau.

Emboitant le pas de la partie civile,  le Ministère Public énumérant  les recommandations liées à la problématique de l’environnement, a interpellé toutes les populations de Kakandé à s’impliquer d’avantage dans la préservation de la faune et de la flore pour maintenir un écosystème durable. C’est pourquoi dans son intervention, il a demandé au président de l’audience de retenir Moriba Gbélémou dans les liens de la répression pour capture, détention et commercialisation d’une espèce intégralement protégée.

Contre toute attente, le verdict annoncé par le tribunal de Boké ce mardi 15 décembre 2015 sur l’affaire Moriba Gbélémou est loin de satisfaire le législateur vu la gravité de l’infraction. Pour la répression, Moriba Gbélémou est condamné à une peine minimale de 3 mois de prison ferme suivie d’une amende 90.000GNF. Au titre du dommage causé à l’Etat Guinée, il est sommé de payer un montant de 500.000GNF comme dommages et intérêt au Ministère de l’Environnement.  Cette décision est encore plus incompréhensible car elle est à l’opposé de ce que le substitut du Procureur, représentant le Ministère Public, avait requis à la précédente audience : 1 an de prison ferme, c’est-à-dire la peine maximale.

Dans la région de Boké, il semble y avoir des ressortissants étrangers impliqués dans ce trafic alors de telles décisions de justice ne sont pas de nature à dissuader tous types de trafiquants.

Selon un juriste et analyste des questions liées au trafic de faune, toutes les dispositions prévues par le code faunique guinéen  et les intentions majeures du trafiquant  aurait dû être prise en compte pour prononcer une sentence maximale sur un tel délit flagrant et créer un facteur de dissuasion. Car poursuit-il, la Guinée a été suspendue en mars 2013 de la Convention CITES (Convention internationale des Nations Unies sur le commerce des espèces animales de la faune et de la flore sauvage menacée d’extinction) compte tenu du trafic massif de chimpanzés qui se faisait avec la complicité de certaines autorités qui délivraient frauduleusement des permis mais aussi de la minimisation des peines liées à ces infractions.

Ainsi, conclu-il, dans un rapport d’Interpol,  de 2007 à 2012, le pays a exporté  plus de 130 chimpanzés, 10 gorilles en Chine et des bonobos, des espèces intégralement protégées par la loi et par la CITES. Le prix d’un chimpanzé sur le marché international a-t-il poursuivi, se négocie environ 20.000 euros et un gorille 40.000 euros. Ce trafic de grands singes en Guinée, uniques dans le monde, a donc représenté  plus de 3 millions de dollars.

Le commerce illégal des espèces sauvages est un crime organisé  au niveau national et international qui implique des réseaux organisés et professionnels et qui est lié aux autres types de crime organisé tels la drogue et les armes.  Il ne s’agit pas de simple braconnage mais d’un phénomène complexe qu’on ne peut combattre qu’en appliquant la loi  dans toute sa rigeur. Dans certaines régions, il s’agit aussi d’une question de paix et de sécurité car des groupes terroristes utilisent le trafic d’ivoire pour financer leurs actions et déstabiliser l’Afrique.

Malgré le durcissement du ton des autorités accompagnées par les institutions et ONG spécialisées dans la lutte contre le trafic, un toilettage au niveau des instances judiciaires de l’Etat reste et demeure une préoccupation des nouvelles autorités afin de redorer le blason de la Guinée aux yeux du monde.

 

Fatou Kourouma

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